L’Amazone au fil du Cossy

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– Mardi 19 août à la tombée de la nuit, gare cff côté nord à Nyon –

Le staff du FAR° (festival des arts vivants) accueille par vagues un public nombreux, trépignant d’impatience et d’excitation, attirés par la rumeur du mystère. Quelques passants anodins sourcillent à la vue de ces festivaliers somme toute étrangement accoutrés, parés comme pour une expédition de forage en souterrain.

Quelques infortunés sans billets tentent de négocier la possibilité de se joindre aux dernières visites de la soirée. On s’arrache les ultimes places, l’expo affiche complet, et pour cause.

Il faut dire qu’on est là pour découvrir Radio Amazonie, la dernière création du photographe suisse Yann Gross (Horizonville, Lavina, …) Avec, conformément aux penchants du festival pour l’expérimental, une idée originale à la clef:

Au lieu de paradoxalement étouffer l’art entre les murs froids et insipides d’une galerie d’expo, le photographe a pu faire appel à l’infrastructure la plus propice à rendre son travail au monde sauvage qui l’a inspiré.

Pas de guide, pas de textes, un minimum d’explications, le public comprend qu’il doit se faire explorateur, partir à la rencontre de l’oeuvre, muni seulement d’une lampe torche, d’un lecteur mp3 et de bottes en plastique.

On reste vague et énigmatique quant aux détails du parcours: les ayant conduites jusqu’à un ravin descendant vers le lit du Cossy, petit ruisseau nyonnais, le staff prend congé des cordées successives, avec comme unique consigne: “ne quittez pas la rivière!”

Le public abandonne un instant son identité (sa carte d’identité d’ailleurs laissée en consigne pour l’emprunt du matériel audio) et plonge dans l’inconnu. Pataugeant dans l’eau, remontant à contre courant, on ne tarde pas à tomber sur une succession de caissons lumineux (réalisés par Bernard Delacoste) et d’écrans cinéma déchirant l’obscurité, révélant les documents et clichés du photographe.

“Dans son travail, Yann Gross s’intéresse aux identités et aux sentiments d’appartenance à une communauté. En réalisant un documentaire photographique en Amazonie, qui cherche à confronter une réalité contemporaine avec l’imaginaire d’un monde sauvage, il s’interroge sur les notions d’authenticité et de folklore. “, explique le site du FAR°.

Pas de guide audio non-plus pour disséquer à la moelle le matériau de l’expo et contraindre l’intuition du spectateur à une interprétation faussement objective le frustrant d’un sentiment d’ignorance et paralysant son imaginaire: à la place, une émission de radio (réalisée par Yann Gross sur la base de ses carnets de voyage) mêlant anecdotes, histoire, sons, rythmes, légendes et visions récoltés le long d’une odyssée amazonienne richement imagée par le maître de cérémonie.

Partie 1 Partie 2 Partie 3

Soyons d’accord, l’illusion n’est jamais réellement complète, mais les décors et les installations sont assez subtilement agencés pour placer le spectateur à mi-chemin hors de sa zone de confort: sous la couverture de la nuit et des arbres, les détails se combinent pour imprégner son regard d’exotisme, et rendre aux éléments exposés tout leur éclat. L’impression est forte, la conscience de l’observateur est maintenue en état d’éveil, sa vue se fait plus perçante, sa curiosité est alerte, et sa sensibilité aux aguets: la fréquence est idéale pour lui permettre d’apprécier à juste titre l’oeuvre dans son élément naturel.

Après une heure, on émerge du ravin. Les sensations ont été suffisamment intenses pour être surpris à la sortie par la présence imposante d’immeubles de la banlieue nyonnaise, la régularité de la coupe de la pelouse et la fraîcheur de l’air. Une dernière photo-souvenir avec la faune sauvage locale, avant un retour inspiré à la norme Suisse, étonnamment banale pour le coup. Dépaysement express réussi.

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